Les courriels d’amour s’envolent puis s’arrêtent

J’embrasse chaque mot

les ailes des mots séparément

les âmes des mots séparément

les virgules les points le frisson

et la passion et enfin

ton nom.

Puis avec le bouton « Supprimer » j’efface

chaque mot, les ailes des mots

et les âmes des mots les virgules

les points le frisson et la passion

et enfin ton nom.

J’efface ce vertige

le vacillement entre non et oui

la perte d’équilibre

et la chute l’un dans l’autre.

J’efface les villes et les trains

et les étreintes de cet été-là

j’efface l’endormissement, les pluies et les chambres

et toi-même, rayonnant et confus, nu et blanc

au milieu des chambres, avec tes trois mariages

et les deux Allemagne, je t’efface.

Toi, mon polysémique, friable et inestimable

tel un parchemin d’av. J.-C.

non déchiffré je t’efface avec tes herpès

en ce fiévreux automne-là

avec l’air transpirant de grippe, de palpitations,

de gémissements, de fusion, de rêve et encore et à nouveau.

Je t’efface avec les aspirines les gouttes

l’infusion de camomille le baume d’eucalyptus

dont j’enduis lentement et longuement

ton corps lent et long.

Je t’efface avec tes étrangetés naïves

ta vanité tes lèvres boudeuses

tes mains qui enveloppent tout

et tes doigts incendiaires.

Je t’efface, toi rêvant d’une soupe,

immergé dans un livre, rayonnant et confus

polysémique beau

et aimé je t’efface

et je m’efface ainsi moi-même

j’efface l’amour

car nous ne le méritons pas.